Le créole réunionnais

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Les extraits de bandes dessinées (Tiburcede cette page sont signées Téhem et sont disponibles sur BD-Thèque.

Ecoutez tout d’abord ce fichier audio et essayez de comprendre (un petit morceau si vous voulez, vous n’êtes pas obligés de tout écouter) :

Facile ? J’ai demandé à ma grand-mère de s’exprimer au maximum en français, et voilà ce que ça donne, elle ne peut tout simplement pas (ou plus) ! Pour mon défunt grand-père, il ne savait tout bonnement pas parler français. Il ne savait pas lire, pas compter et ne parlait que créole. Il n’avait en effet jamais été à l’école et avait commencé à travailler à l’âge de 7 ans, pas le temps d’apprendre à parler français. Il parlait donc, comme tous les réunionnais, créole.

Le « bilinguisme » des réunionnais (créole réunionnais – français) est je pense assez récent. Mes grands-parents étaient trop vieux. Ma grand-mère m’a dit qu’elle était la première génération d’enfant à aller à l’école. Je coirs d’ailleurs qu’elle en parle dans l’enregistrement. Avant cela donc, grossièrement résumé, soit on était issu d’une famille métropolitaine et on parlait français (avec une forte influence régionale), soit on était issu d’une famille créole et on parlait créole réunionnais.

Le créole réunionnais est né de l’esclavage, de l’époque des colonies. La Réunion étant une colonie de la France, on y avait envoyé des colons, qui ont eu sur place un fort besoin de main d’œuvre. Ont donc été importés des environs (les détails sur la page La Réunion), des esclaves, avec toutes leurs langues maternelles. Le français étant la langue des colons, il est devenu la base du créole. On s’adressait en effet aux esclaves en français et les esclaves devaient en faire de même avec leurs maitres. C’est à mon avis ce positionnement maitre/esclaves qui a permis au français de s’imposer. Pourquoi donc les maitres se fatigueraient-ils à apprendre la langue des esclaves ?

Il n’y avait cependant pas d’école pour apprendre le français à l’époque, et surtout pas pour les esclaves. Ainsi, ils apprenaient le français sur le tas, souvent avec un autre esclave, ce qui ajoute un intermédiaire supplémentaire à la chaine de transmission de la langue et contribue donc à la passation de « modifications » dans la langue. C’est donc une langue « modifiée » que les esclaves apprennent et utilisent. De plus, elle est souvent incomplète et les esclaves y ajoutent en conséquence leurs propres mots et expressions pour la compléter.

Le créole réunionnais a longtemps été considéré comme une sous-langue, et il était mal vu de parler créole. Mais ces dernières années, les mouvements de revendications identitaires se sont intensifiés en réponse à la mondialisation. En conséquence, le créole réunionnais a peu à peu pris beaucoup d’importance, car c’est un élément fondateur de l’identité réunionnaise. En faisant la promotion du créole réunionnais, c’est l’identité réunionnaise que l’on promeut. Ce qui fait que dans le cadre de la Réunion, l’identité et la langue sont indissociables : pour être créole réunionnais, il faut savoir parler créole réunionnais. Et on peut relever ici un paradoxe : la langue créole était à la base la langue de l’esclavage et donc contribuait à la ségrégation, alors qu’aujourd’hui elle est devenue la langue du métissage, de l’unité d’un peuple.

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Aujourd’hui, l’unité de ce peuple étant bien établie, il n’y a plus de marqueurs physiques pour les créoles. On ne peut plus dire qui est créole ou qui ne l’est pas juste en regardant la couleur de la peau, les yeux, les cheveux… La mixité dans le peuple réunionnais est unique, il y a des créoles réunionnais de toutes les couleurs. Mais ce n’est pas le cas dans tous les doms. En Guyane Française par exemple, vous ne serez jamais considéré comme un créole si vous êtes blancs de peau. Ici à la Réunion, on peut dire que le seul marqueur visible de créolité est la langue créole. En effet, elle ne trompe pas, elle est pleine de subtilités et particularités qui font que dès que vous prononcez un mot de créole, on sait si vous êtes créole ou pas.

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Toutefois, il peut s’avérer essentiel de comprendre le créole réunionnais. Pour vous donner un exemple concret, si vous êtes un professeur des écoles à la Réunion, vous devez impérativement avoir une bonne compréhension du créole car beaucoup d’enfants à leur entrée à l’école ne parlent que créole. Même si on saura que vous n’êtes pas créole dès que vous vous exprimerez en créole, le comprendre reste un avantage.

Ainsi, je vous propose maintenant de faire vos premiers pas. Voici une petite liste des expressions actuelles et des mots qui vous seront les plus utiles. Ne vous souciez pas de l’orthographe, je vous écris le mot comme il faut le prononcer, en essayant de me rapprocher le plus possible de la prononciation la plus authentique.

1/ Quelques mots utiles

Mot en Français Mot en créole
Bonjour BonZour
Au revoir RovWar
Merci MerSi
S’il vous plait Siouplait
Je ne comprends pas Mi compren pa
Combien ça coute ? Combien sa ?

2/ Pour vous présenter :

Question en Français Question en créole Réponse en français Réponse en créole
Comment ça va ? Koman i lé ? Ça va bien merci et vous-même ?Aujourd’hui ça ne va pas super. Bien ou mem ?Zordui la pa tro sa.
Comment vous appelez-vous ? Koman ou appel ? Je m’appelle (votre prénom). Mi apel (votre prénom).
D’où venez-vous ? Vou stin mounn dou vou ? Je viens de (votre pays). Mi sorte (votre pays).
Quel âge avez-vous ? Kel age ou néna ? J’ai (votre âge). Moa néna (votre âge).
Quelle est votre travail ? Cé koi out tarvail ? Je suis (le nom de votre travail). Mi lé (le nom de votre travail).
Ça fait longtemps que vous êtes arrivé ici ? Fé lontan ou la rive terla ? Je suis arrivé en (mois ou année). Moa la rivé en (mois ou année).
Etes-vous venu seul ? Ou la nu tou sel ? Je suis venu avec (les membres de votre famille). Moa la nu aek mon (les membres de votre famille).
Quelle est la profession de votre femme ? Out madame kosa ifé ? Ma femme est (nom de son travail). Mon madame lé (nom de son travail).
Vous restez ici longtemps ? (là où vous êtes) (ou) ress la lontan ou la ? Non, Je dois partir, à bientôt.Oui quelques minutes. Non, la mi doi alé, nu artrouve.Einn ti tinstant ui.

Si vous arrivez à dire tout ça, c’est déjà pas mal ! Je vais rajouter et compléter cette page avec d’avantage d’expressions au fil du temps, alors revenez la consulter de temps à autre !

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