« L’assassin la met’ safran dann’ bred’ moroung… » (Petite musique d’ambiance pendant votre lecture ?)
On le sait, la culture, c’est une langue, une attitude, une identité, des coutumes… etc. mais c’est aussi et surtout en grande partie une histoire de gastronomie. L’apprentissage d’une culture étrangère passe obligatoirement, à un moment ou à un autre, par une initiation gustative, une épreuve gastronomique. Ici à la Réunion, la cuisine tient une place très importante dans la culture et en conséquence, vous aurez forcément affaire à la règle : « lo ri lo grain lo cari » (le riz, les grains et le cari). C’est ce qui dicte le repas réunionnais le plus traditionnel, un plat qui comprend un cari accompagné de légumineuses et de riz.
Alors il ne faut pas se tromper maintenant entre cari et curry. Même si ces deux termes sont très proches (nous y reviendrons), le cari de la Réunion est différent de l’image générale que l’on a du curry. C’est le temps qui est la principale cause de cette différence, et qui a sans doute rendu notre cari un peu plus « épuré » par rapport à sa recette d’origine. Le nombre d’épices utilisées est moindre, tout comme les différentes variations auxquelles on pourrait s’essayer. En effet, la cuisine réunionnaise est très stricte, figée et ne laisse aucune place à l’innovation. Impossible alors de faire un cari végétarien, juste avec des légumes. C’est un peu comme une loi, pour être un cari, il faut une « viande » (au sens très large du terme, qui signifie un élément de nature animale), une utilisation très stricte des épices « autorisées », observer une utilisation très limitée de légumes et se soumettre à une façon de procéder archaïque (pas question de faire roussir l’ail avant les oignons!). Le cari ce n’est pas de la tarte ! D’ailleurs, ce sont bien souvent les « gramounes », les anciens, qui sont considérés comme les meilleurs cuisiniers réunionnais, capables de faire ressortir dans les saveurs de leurs plats toute leur expérience et leur savoir-faire personnel.
(Voici, pour faire une petite pause dans votre lecture, un petit diaporama réalisé avec quelques photos personnelles et complété de photos trouvées sur internet)
Toute une histoire ! Et l’histoire du cari, c’est l’histoire du curry, transporté, disséminé au quatre coins du monde et adapté aux pratiques culinaires des peuples qui l’ont adopté. Les vestiges de mortiers et de pilons à épices datant de la préhistoire nous amènent à penser que c’est là que commence l’histoire du curry. D’autres vestiges datent de vers 2600 avant Jésus-Christ au sein des civilisations de la vallée de l’Indus. Probablement en suivant les migrations des peuples, le curry a été disséminé de par le monde, au 7eme siècle par exemple, vers la Chine et la Thaïlande grâce aux moines Bouddhistes et vers les Philippines et l’Indonésie grâce aux marchands. On retrouve ensuite des traces du curry autour du 16eme siècle, lors de l’avènement de l’Empire Mughal ou encore lorsque les portugais s’installent à Goa vers 1510. Continuant sans cesse son voyage autour du monde, il devient très populaire au Royaume-Uni dès le 19eme siècle.
Aujourd’hui on connaît le curry partout dans le monde : currys de Goa, de Tamil Nadu, de Kerala, du Kashmir, du Sri-Lanka, de Chine, du Japon ou des Caraïbes… Ses déclinaisons sont aussi nombreuses que les différentes populations qui l’ont adopté, en passant par les anglais et leur poudre de curry ou la Réunion et son cari.
C’est donc un met multiculturel qui en plus est réputé très bon pour la santé. Des recherches ont montré que les épices du curry réduiraient les chances d’avoir un cancer du colon ou la maladie d’Alzheimer. Il est aussi considéré comme un puissant aphrodisiaque.
En bref, le curry, le cari réunionnais, c’est non seulement une grosse part culturelle, une histoire, un talent, mais c’est aussi bon pour la santé et c’est surtout bon tout court ! Alors pourquoi ne pas l’essayer vous-même ? Vous pouvez pour l’occasion suivre ma recette du cari poulet que vous trouverez tout en bas dans la colonne de droite ! Quand vous vous serez initié, vous pourrez visiter ces deux sites pour y trouver davantage de recettes exotiques :
Petite balade dans un DOM 